Le désarroi

Je poursuis sur ma lancée, ayant eu au moins un retour, j'ose imaginer que ce sujet peut intéresser, même si les commentaires ne sont pas nombreux (ils ne le sont pas de toute façon sur la globalité du blog et ce n'est pas le but).

Lorsque l'on tombe en dépression, car c'est bien l'idée de chute qui convient, l'atterrissage est d'autant plus difficile que l'on a pu se croire fort auparavant.
Il est dur en effet d'admettre que l'on n'est plus en position de force, dur d'admettre que tant de choses peuvent nous effrayer, presque du jour au lendemain, dur de concevoir que nous puissions tomber, nous qui étions invincible. Je vais parler de mon expérience - forcément - et vous donner un aperçu du gouffre qui accueille le dépressif.
Avant d'être dépressive, j'étais une jeune femme souriante, toujours prête à raconter une ânerie, grivoise si possible en essayant d'éviter le vulgaire - ce qui n'était pas toujours le cas je le sais :D, j'étais pleine d'optimisme et d'entrain, emplie à ras bord d'une vision positive de la vie et je n'imaginais pas un seul instant pouvoir rater quelque chose. Ou tout du moins, je m'assurais avant d'entreprendre quelque chose que les circonstances étaient réunies pour ma réussite, je m'entourais comme il fallait, je préparais ce qu'il fallait et j'arrivais fort souvent à mon but, que l'enjeu soit majeur ou non. C'était une période glorieuse, c'était beaucoup de chance aussi - je l'ai toujours su et reconnu - et ce fut surtout un chaos total lorsque la dépression m'a saisie.
En plus des tabous associés à cet état, qui est je le rappelle une maladie, en plus des gens autour de vous qui ne comprennent pas pourquoi vous êtes dans cet état-là, il y a l'idée que vous vous faisiez de vous. Il y a les clichés et les préjugés que vous aviez sur la dépression, et je passe sur l'idée et l'image que les autres avaient de vous et qu'ils ne retrouvent pas.
La plus déroutante, la plus dure des sensations, c'est de se sentir en-deçà de tout parce que vous, vous qui étiez si fort(e), vous êtes, ô honte suprême, ô faiblesse inavouable, vous êtes reconnu dépressif et vous avez besoin d'aide. Je parle bien ici des clichés que la société nous renvoie en pleine face et qui nous font sombrer davantage s'il est possible.
Personne, je dis bien personne, et je n'exagère en rien, ne peut imaginer la détresse de quelqu'un qui s'étant senti si fort pendant tant d'années, se sent si faible soudain, se sent si nul, si inutile, si incapable de reprendre le dessus, avec ou sans aide. C'est la dure réalité qui fait qu'un dépressif se sentira toujours si incompris. Celui qui n'a jamais été dépressif, celui qui ne "croit" pas qu'il est possible de se sentir si mal, ne peut pas savoir, ne peut pas comprendre pourquoi dire "allez, secoue-toi! Allez, c'est bon, c'est rien, c'est juste une déprime" peut être blessant, peut être un facteur supplémentaire de repli sur soi de la personne dépressive.
La dépression n'est pas une simple baisse de moral.
La dépression n'est pas un signe de faiblesse de la part du dépressif.
La dépression n'est pas juste une grosse déprime.
La dépression n'est pas quelque chose d'anodin.
On ne rit pas avec le mot dépression (et c'est bien pour ça qu'il fait si peur).
Cela ne veut pas dire qu'on ne peut pas rire avec quelqu'un de dépressif, cela signifie simplement qu'il ne faut pas prendre à la légère un message si important quand quelqu'un utilise ce terme pour parler de son mal-être. Je suis persuadée aujourd'hui que si certains usent encore du mot déprime parce qu'ils ne sont pas en dépression ou parce qu'ils ne l'ont pas acceptée, les malades qui adoptent le mot dépression pour parler d'eux ne le font pas à la légère et ne souhaitent certainement pas recueillir un énième "mais non, ça va aller, viens te changer les idées, ça suffira"...
En plus du désarroi ressenti face à ce que l'on considère alors comme sa propre faiblesse, le fait qu'autrui ne prenne pas nos maux et nos mots au sérieux nous enfonce un peu plus davantage vers la pensée que nous sommes nul. Parce que malgré tout, après avoir mis du temps à accepter son état de dépressif, l'on se fie toujours au jugement des amis, et si ceux-là nous disent "mais non, t'es pas dépressif!", alors que sommes-nous? et que nous reste-t-il pour sortir de ce néant, de ce trou qui semble n'avoir plus de fond et dont les parois sont lisses?
Sans demander à ceux qui ont dans leur entourage une personne dépressive de tout faire pour le sortir de cette maladie - parce que ce n'est pas le but, parce que ça ne marche pas comme ça -, la première chose à faire est de ne pas nier cet état de fait, de ne pas le minimiser. Refuser à un dépressif de le reconnaitre dans cet état, c'est l'empêcher de se reconnaître dans cette maladie, or c'est le premier pas qui permettra ensuite d'évoluer et travailler sur les causes de la dépression.
"Si personne ne me reconnaît dépressif, je ne pourrais pas mettre un mot sur ce que je traverse. Je ne pourrais pas avoir envie ou besoin de comprendre pourquoi je suis si mal. Si personne ne me reconnaît dépressif, cela signifie qu'il est normal de pleurer, de se sentir mal, de se sentir nul, ou d'avoir peur tout le temps, mais de ne pouvoir en parler à personne. Si personne ne me reconnaît dépressif et que mes amis ne me reconnaissent plus parce que je ne suis plus comme avant, alors qui suis-je et pourquoi évoluer vers un mieux-être?"
Voilà, à mon sens, un aperçu de l'état d'esprit que l'on peut traverser si un ami ou une connaissance refuse d'admettre que quelqu'un de leur entourage soit dépressif.


15/05/2010
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